Un collègue m’a demandé récemment comment j’en suis arrivé à développer des compétences en matière de facilitation. Il fut surpris lorsque je lui ai raconté ce qui suit !
C’est en réalité l’histoire de ma prise de conscience sur mon besoin de compétences en facilitation. Il s’agit en particulier de comment j’ai réalisé qu’il fallait absolument que j’apprenne à faciliter des groupes, de façon formelle et structurée, tout en tenant compte de ma personnalité. Tout au long de l’apprentissage qui s’en ai suivi, j’ai retravaillé et développé ma perception de la dynamique de groupe, ma capacité à instaurer une relation de confiance et aussi à faire des interventions.
Aujourd’hui, en tant que Coach Lean, mais aussi formateur, je suis parfaitement à l’aise comme facilitateur, et j’utilise aussi ces compétences pour établir une relation avec mes clients.
Voici comment cette prise de conscience est arrivée.
Perdre pied en guidant un groupe
Dans le cadre d’une mission pour un client, j’accompagne un groupe de professionnels pour qu’ils s’accordent ensemble sur les étapes à suivre pour mettre leur nouveau produit sur le marché. Chacun d’eux est spécialiste de son métier c’est-à-dire qu’il y a des experts respectivement de la logistique, du marketing, de la finance, et de la partie commerciale.
Trente minutes après le début des échanges, alors que j’essaye tant bien que mal de faire avancer la discussion par questionnements, seuls trois des huit participants se tournent de temps en temps vers moi en parlant. Les autres échangent entre eux sans faire attention à moi. Au bout d’une heure de discussions, rien ne décide, l’accompagnateur que je suis est quasiment inexistant dans les échanges. Je réclame alors haut et fort l’attention que j’obtiens très difficilement. Pendant les trois minutes de silence qui suivent, je m’empare d’un feutre et j’essaye de structurer la discussion au tableau. En réalité je ne sais pas vraiment quoi écrire. J’ai l’impression de manquer de point d’accroche car je ne cerne pas les enjeux de leur discussion. De plus, ils utilisent des termes métiers très spécifiques à leur domaine. Environ deux minutes plus tard, l’un deux relance la discussion. Ma tentative de prise de contrôle n’a eu aucun effet et ne génère aucun commentaire. Au bout de vingt minutes, malgré de nouvelles tentatives pour intervenir, plus personne ne me regarde. La discussion continue, et je suis complètement inexistant !

Après une heure d’échange de plus, ponctué de vaines tentatives d’intervention de ma part, l’un des participants décide de retourner à son bureau car il a des urgences. Les autres finissent par partir un par un. J’ai à peine le temps de dire au revoir aux trois derniers et de proposer un nouveau rendez-vous pour avancer sur le sujet avec eux.
A partir de cette expérience, je démarre une sorte de résolution de problème sur moi-même pour identifier les causes de la situation que j’ai vécu. J’ai de plus, et surtout, l’opportunité, de plus, de coupler mes réflexions personnelles avec une formation sur des compétences de facilitation. J’en retiens quelques points clés liés justement à mon expérience:
- La nécessité de créer la confiance avec les participants
- S’assurer de maintenir un environnement participatif de bout en bout
- Ne pas perdre de vue quelques spécificités des groupes
Créer la confiance : un élément clé
Avoir confiance, de mon point de vue, veut dire que je me fie à l’intégrité, à la force et à la capacité d’une personne, pour une situation donnée. Lors de ma douloureuse expérience, qu’est ce qui aurait créé cette confiance chez les participants pour m’aider à les accompagner ?
J’ai appris en me formant par la suite, que, bénéficier d’une relation de confiance en début de séance suppose une préparation. Dans mon cas, elle aurait pu être sous la forme d’une réunion de préparation avec quelques-uns des manageurs. Je veux parler des acteurs clés de la séance de travail que j’allais conduire. Cela aurait été l’occasion pour moi, facilitateur, de découvrir leurs profils. J’aurais cerné leurs attentes, compris les succès ou non de situations similaires qu’ils auraient vécues ensemble, et surtout leur aurais donné de la visibilité sur mon approche.

En début de séance, montrer que j’ai compris ces éléments, rassurer sur le fait que je vais traiter les préoccupations de chacun, aurait pu aider à la mise en place d’un réel environnement participatif.
C’est une préparation qui m’aurait également permis d’être réactif pendant les discussions. Être dans le moment, pour un facilitateur, au-delà de toute préparation, c’est une capacité d’écoute (de ce qui se passe avec le groupe) et par conséquent d’adaptation tout au long des discussions. C’est ainsi que j’aurai pu donner les réponses ou poser les questions qui auraient permis au groupe d’avancer.
Créer et maintenir un environnement participatif
Il s’agit d’un environnement dans lequel chaque partie prenante se sent à l’aise pour participer et contribuer aux discussions. D’un autre côté, il doit permettre également au facilitateur de pratiquer une écoute active de façon sereine.

Dans le cas de la situation délicate que j’ai vécue, c’aurait été, de développer un rapport avec les participants en début de réunion. Ainsi j’aurais compris les interventions pour bien identifier à quel moment parler, utilisé des techniques de communication verbale en adaptant le volume de ma voix, mes articulations, le positionnement de mon regard, su acquiescer. Il y a aussi le fait d’observer les discussions et donner – légitimement – un feedback en temps réel aux participants.
La facilitation est finalement l’art de conduire un processus de groupe vers des résultats convenus, de manière à susciter la participation, la créativité et l’appropriation par tous les participants[1].
La facilitation graphique est devenue très efficace pour atteindre cet objectif. Elle fait partie des éléments qui permettent de créer et maintenir un environnement participatif. En effet, elle facilite l’interactivité en rendant visuelle la pensée du groupe tout entier. Le cheminement que suivent les participants devient explicite et accessible à tous. Bien entendu cela suppose un savoir-faire pour une utilisation précise d’images, de métaphores graphiques. C’est une capacité à rendre une pensée visible de façon structurée.
Il faut noter que le visuel joue aussi le rôle de tiers vers lequel les participants peuvent converger, en attention et en réflexions. Ce tiers minimise les discussions one-to-one des participants du groupe et permet une re-focalisation en cas de débordements.

Dans ma situation présentée plus haut, une manière de s’y prendre aurait été d’emmener les participants à visualiser leurs premières idées. Cette présence visuelle, structurée et évoluant, permettrait de focaliser les discussions tout en suscitant une progression. Il faut noter que le visuel aide aussi à renforcer la posture de celui qui le crée, lui donnant ainsi une légitimité pour conduire les participants si besoin.
Des particularités quand il s’agit de gérer les groupes
Il existe des facteurs bien connus qui peuvent entraver le fonctionnement efficace d’un groupe[2]. En voici quelques-uns :
- Lorsque des personnes sont en groupe pour une tâche ou une décision, elles ont tendance à avoir une motivation individuelle plus faible compte tenu de la responsabilité collective du groupe. Ce phénomène est apparu dans le cas que j’ai vécu. En avoir conscience au préalable m’aurait permis d’anticiper quelques réactions qui ont finalement entraver la progression du groupe.
- Les membres d’un groupe sont chacun spécialistes de leurs domaines respectifs. Pour avancer ensemble, il est nécessaire qu’ils arrivent à partager des informations. C’est typiquement le cas que j’ai expérimenté plus haut, la question étant de trouver – avec les participants – jusqu’à quel point ce partage doit aller.
- Les groupes ont une tendance à arriver à un consensus de façon prématurée, c’est-à-dire sans un partage suffisant d’information ou de perspective en leurs seins.
- La difficulté d’un groupe à être productif est bien entendu proportionnelle à la taille de ce groupe
Aujourd’hui, je me retrouve souvent à animer des groupes dans le cadre des formations que je dispense. Je pense que la facilitation et l’aisance que j’ai maintenant dans ce domaine, y ont une grande part. En effet, bien que par défaut, le formateur est le sachant qui va guider les autres pour qu’ils acquièrent une connaissance, il devient un facilitateur de par sa capacité à cultiver une autonomie dans l’apprentissage chez ses étudiants. Il devient facilitateur pour les emmener vers l’autonomie. C’est une partie de ce que nous faisons chez QOLA.
Lors de nos parcours de formation sur la facilitation, nous savons emmener nos étudiants à explorer eux-mêmes les nouvelles approches de facilitation pour les réunions virtuelles.
En savoir plus
Ces points clés vous ont donné une idée plus précise de la facilitation de groupe. Mais ce savoir-faire requiert un ensemble de compétences bien précises. Pour être en situation de faciliter des groupes très rapidement, essayez notre formation sur les compétences de facilitation pour continuer votre apprentissage.
En savoir plus sur la facilitation de groupeJe voudrais remercier Guillaume Monnain, Facilitateur Graphique, pour les illustrations de cet article.
[1] Paul B. Paulus, Toshihiko Nakui – Facilitation of Group Brainstorming
[2] David Sibbet – Graphic Facilitation, the art of drawing out the best in people
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